Le credo partie 1

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En cette année qui marque le 1300ème anniversaire du premier grand concile œcuménique, celui de Nicée qui définit les termes de la foi chrétienne, il est bon de revenir sur ces articles du Credo que développa encore le premier concile de Constantinople . C’est la profession de foi dite de “Nicée-Constantinople” que nous disons à la messe le dimanche :

Je crois en un seul Dieu, le Père Tout-Puissant, Créateur du ciel et de la terre de l’univers visible et invisible. Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles Il est Dieu, né de Dieu, Lumière, né de la Lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu, engendré, non pas créé, de même nature que le Père, et par Lui tout a été fait. Pour nous les hommes, et pour notre salut, Il descendit du ciel ; par l’Esprit Saint, Il a pris chair de la Vierge Marie, et S’est fait homme. Crucifié pour nous sous Ponce Pilate, Il souffrit sa passion et fut mis au tombeau. Il ressuscita le troisième jour, conformément aux Écritures, et Il monta au ciel ; Il est assis à la droite du Père. Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts ; et son règne n’aura pas de fin. Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; Il procède du Père et du Fils ; avec le Père et le Fils, Il reçoit même adoration et même gloire ; Il a parlé par les prophètes. Je crois en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique. Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés. J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir. Amen.

Etre chrétien, ce n’est pas adhérer à un système de valeurs : un sondage exécuté il ya peu montre que pour 84% des Français, Dieu n’est pas nécessaire pour avoir de “bonnes valeurs”. Ce résultat est dû en partie à la sécularisation de valeurs chrétiennes considérées aujourd’hui comme culturelles et dont on ne craint pas d’attribuer la paternité aux “Lumières” parce que notre mémoire est incapable de remonter dix huit siècles plus haut, mais il est certain que croire ne signifie pas d’abord avoir une morale mais s’attacher à une personne : un Dieu personnel qui s’est donné à voir, à comprendre, à toucher ; c’est ensuite entrer avec lui dans une relation qui engage toute la vie.

 

La foi est une question de vie ou de mort

«  Je prends aujourd’hui à témoin contre toi le ciel et la terre : je te propose de choisir entre la vie et la mort, entre la bénédiction et la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui ; c’est là que se trouve la vie. » (Dt XXX 19-20)

Entre les deux qui ne choisirait la vie ?

Et qui d’autre que Dieu peut m’en garantir le chemin ?

Il l’a balisé par ces mots du Deutéronome : « aimer le Seigneur ton Dieu, écouter sa voix, s’attacher à lui, c’est là que se trouve la vie. ». Les croyants appellent cela « la foi » : écouter, autrement dit se laisser instruire sur un certain nombre de choses, s’attacher à lui, c’est-à-dire accepter de cheminer patiemment avec lui, de faire route avec lui, de le laisser entrer dans sa propre vie pour pénétrer dans la sienne, et tout cela dans l’amour, l’ouverture du cœur.

Personne ne peut le faire à ta place

Simplement, comme un service, l’Eglise propose inlassablement l’enseignement du Christ rassemblé dans le « Credo », à toi de faire le reste…

« Je crois »

Le premier mot de notre profession de foi, lui a donné son nom : « Credo », c’est-à-dire « Je crois ».
D’où nous vient le texte du Credo ?      
Il fut établi par les évêques de l’Eglise universelle réunis en un concile dans la ville de Chalcédoine (Turquie actuelle) en 381. Il reprend, en grande partie, celui du concile de Nicée de l’année 325.
A-t-on besoin d’un texte pour dire sa foi ?  
La norme de la foi reste l’Evangile. L’Evangile au sens large et plénier n’est pas contenu dans un document écrit, il est la Bonne Nouvelle de la Personne même du Christ que ne peut contenir aucun document écrit comme le dit saint Jean : « si on devait écrire tout ce que Jésus a fait le monde entier ne pourrait contenir les livres qu’on écrirait » (Jn XXI 25). Le besoin d’un texte écrit, bref et commun à tous, s’est fait sentir comme une nécessité du point de vue des croyants. Il est le critère qui permet de dire : « nous partageons la même foi ». Qu’est-ce qui peut unir des individus si leur point commun ne peut être défini ?
Le texte que nous utilisons n’est-il pas trop ancien et, à ce titre, obsolète ?        
L’Evangile a la capacité de répondre à chaque génération nouvelle avec ses propres questions, il faut donc que ce texte commun du Credo (qui ne peut figer la Vérité qui n’est pas une doctrine mais une Personne) soit assez précis et en même temps ouvert. Voilà pourquoi, au cours de l’histoire de nouveaux catéchismes sont publiés sur la même base, jamais en contradiction, mais avec des éclairages nouveaux et que le texte même du Credo a été sujet à des interprétations qui firent débat. Cependant il a toujours été reconnu comme normatif, certainement parce que l’Esprit-Saint a inspiré sa rédaction, selon la promesse faite par le Christ à ses apôtres quand il leur a dit : « qui vous écoute, m’écoute » (Lc X 16). Expérience merveilleuse des époques conciliaires où à Nicée I, à Constantinople I, Vatican II et tant d’autres encore, l’Eglise s’est mise tout entière à l’écoute de son Maître pour faire retentir sa Voix.

En parcourant chacun des articles du Credo, nous comprendrons que loin de l’enfermer, ils sont, selon la belle expression de Benoît XVI parlant des dogmes, « une fenêtre ouverte sur la Vérité »…

 

Notre Profession de foi commence en français par le pronom personnel singulier « Je », qui correspond au terme latin « Credo ». Il n’est pas anodin de noter que, dans l’autre version du texte original, la version grecque, il s’agit d’un pluriel : « Nous croyons ».

Les deux versions ont quelque chose à nous dire.

Le « Nous » rappelle que l’acte de croire fait entrer l’individu croyant dans le chœur (au sens d’ensemble choral) de l’Eglise et le fait sortir de la prison de son « moi », de sa propre opinion, de son subjectivisme qui ne le ramèneront toujours qu’à lui-même, à ses questions et à ses propres réponses.

Le « Je » redit aussi que l’individu doit donner une réponse personnelle, que Dieu attend et respecte le choix qui ne peut qu’être individuel de l’homme. On ne peut s’abriter en permanence derrière les autres, et je sais que je me trouverai, un jour, seul face à ma propre responsabilité quand, devant Dieu, je devrai rendre compte de ma vie. Jamais, non plus, l’appartenance à l’Eglise ou l’entrée dans le Royaume de Dieu ne fait disparaître l’être humain dans un collectif, si lumineux soit-il. C’est à un face à face personnel que je suis appelé, c’est d’un amour unique que je suis aimé : c’est avec un « je » unique que je dois y répondre, avec la liberté qui m’est propre et que je ne peux abdiquer.

En allant un peu plus loin, ce « nous » et ce « je » révèlent les deux aspects de la foi (ce que les théologiens appellent de noms savants : la « fides quae » et la « fides qua ») : la « foi qui » est crue et la « foi avec laquelle » je crois.
La foi qui est crue est le contenu commun de la foi, celui que l’Eglise a pu écrire il y a près de dix-sept siècles et peut tenir encore aujourd’hui, tant il est vrai que ce qui est de foi catholique est ce qui a toujours été cru par l’universalité de l’Eglise. C’est la foi du « nous » de l’Eglise.
La foi avec laquelle je crois n’est certainement pas une manière d’arranger « à sa sauce » la foi de l’Eglise en prenant et en laissant les articles à mon gré comme si j’y faisais mon marché. C’est, dans le cadre non négociable de la totalité du Credo, ma façon forcément unique de vivre ma foi comme une relation personnelle avec Dieu.

 

Croire ou comprendre ? Comment pouvons-nous dire : « je crois » ? Cette question revient par exemple sur les lèvres de parents appelés à confesser la foi de l’Eglise le jour du baptême de leur enfant, « Dieu, je ne l’ai jamais vu », « je ne comprends pas bien », etc.
Heureusement que nous ne « com-prenons » pas ! Comprendre, c’est saisir, c’est faire le tour, c’est d’une certaine façon, s’être rendu maître de quelque chose ou de quelqu’un, et Dieu ne m’appartiendra jamais !
Dieu n’est ni de l’ordre de l’absurde, ni de l’inconnaissable, mais croire en lui n’a rien à voir avec l’évidence qui s’impose au terme d’une enquête. Saint Paul peut ainsi affirmer que la foi n’existera plus dans l’au-delà : puisqu’il n’y aura plus de place pour cet acte d’amour et de confiance qui ne m’est permis que grâce à l’obscurité dans laquelle je marche ici-bas. Tout le monde connaît cette phrase du poète : « c’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière ».
Pour autant, l’objet de notre foi ne s’oppose pas à la raison et celle-ci est capable d’atteindre une partie de la vérité sur Dieu, à commencer par son existence qui peut se déduire de la Création.
Tout ce qui provient de la Révélation vient compléter ce que nous pouvons pressentir par l’intelligence et ne peut qu’être en harmonie avec la raison, mais elle la dépasse et nous fait accéder à un type de connaissance supérieur.

Par la foi, j’accède à Dieu d’une manière juste : personnelle, humble, filiale, amoureuse, fragile, jamais rassasiée, toujours nouvelle, toujours plus riche et qui m’oblige à m’impliquer moi-même, ce que je ne ferai jamais à l’égard de ce que je ne « connais » ou de ce que je ne « comprends » que par la raison.

D’où vient ma foi ? Des intermédiaires ont pu être de bons relais : parents, maîtres, culture ambiante, rencontres ou aléas de la vie. Mais à l’origine, il y a toujours Dieu lui-même. La foi est d’abord un don et un appel qui vient d’en haut. Ma réponse libre – toujours nécessaire – n’en sera que plus reconnaissante.

Pourquoi tous ne croient-ils pas ? En raison du dysfonctionnement des relais humains, de la surdité et de la liberté personnelles. Dieu a aussi pour chacun son heure pour lui faire ce don, que la prière peut hâter et préparer.

La foi reste la porte indispensable au salut : « celui qui ne croira pas, sera condamné » dit Jésus (Mt 16,16). Condition nécessaire pour entrer en contact avec Dieu dès maintenant, elle est le commencement de la vie éternelle.
Il me souvient d’une tombe du cimetière de Lorgues où je célébrais une inhumation, marquée de ce seul mot : « Credo », comme la fière protestation de celui qui a trouvé la clé capable de lui ouvrir les portes de la Vie et qui sait qu’il ne pourra jamais se prévaloir de rien d’autre devant Dieu.

« Je crois en un seul Dieu »

Croire, oui. Mais croire en quoi, en qui ? Il est très difficile de trouver aujourd’hui des gens qui ne croient pas. Mais, bien souvent, cette « foi » s’est aussi sécularisée, et on croira : en soi, dans des « valeurs », au progrès, aux autres, etc.
Donner sa foi, c’est s’en remettre à quelque chose d’autre.
Croire en soi laisse perplexe : on peut et il faut, dans une certaine mesure, avoir confiance en soi, mais on voit mal comment cette « foi » peut nous faire échapper à notre propre fragilité.
La foi doit donc faire référence à autre chose. Si cette foi a quelque ambition, ce quelque chose doit n’être pas changeant (qu’est-ce qui est stable dans les prétendues « valeurs » toujours relatives aux temps et aux lieux ?).
Telle l’ancre du bateau qui met, pour l’assurer, ce qu’il y a de mouvant en contact avec le sol ferme ou le rocher, la foi de l’homme le relie à ce quelque chose qui est hors de lui, hors de ce monde.
Ainsi la raison nous permet de concevoir (sans le comprendre !) une origine à l’univers, une antériorité, une puissance, peut-être même une volonté.
C’est là qu’entre en jeu la foi religieuse : depuis le début de l’humanité l’homme a cherché à entrer en contact avec cette force qu’il a nommée « Dieu » ; cette force a donc quelque chose de personnel, ce n’est plus « quelque chose », mais bien « Quelqu’un ».
La foi religieuse est diverse : ce « Dieu » peut être multiple (polythéisme) et revêtir des aspects contradictoires : puissance hostile qu’il faut apaiser ou bienveillante, étrangère aux hommes ou gouvernant chaque détail de la marche du monde. Dans cette religion naturelle subsiste la nostalgie des premiers temps où l’homme est sorti des « mains » de Dieu, mais son chemin l’a progressivement éloigné de lui et cette recherche spirituelle a petit à petit été livrée à elle-même, conduisant à toutes les aberrations. Cependant le cœur et la raison, alliées à une conscience droite ont toujours orienté l’humanité vers la conception d’un Dieu unique.
Répondant à cette aspiration, Dieu n’a pas rompu le contact et n’a cessé de se révéler dans le secret des cœurs et des intelligences. Mais il a voulu, d’une manière toute spéciale le faire auprès d’un peuple : le peuple juif, pour lequel il a multiplié ses attentions en vue du salut de tous.
Et cette « Révélation », nous offre bien un Dieu unique, personnel, bienveillant, qui se manifeste à un peuple au destin duquel il se lie et dont il attend une réponse d’amour, dans une exigence de justice.
C’est vers ce Dieu d’Abraham que converge le regard des fils d’Israël et des fils de l’Eglise.

Croit-on tous au même Dieu ?      

Juifs, chrétiens, musulmans croient en un seul Dieu. D’autres croyants encore, qui ne se réclament d’aucune religion acceptent volontiers l’existence d’un Dieu unique.
« Puisqu’il n’y a qu’un Dieu, entend-on souvent, nous ne pouvons croire qu’au même Dieu », et pourtant… S’il n’y a qu’un Dieu, il est effectivement le même pour tous, d’un point de vue absolu, objectif.
Mais la connaissance que nous en avons peut être différente et son image ainsi perçue peut revêtir des aspects très variés et même contradictoires. Voltaire écrivait avec sa plume sarcastique : « Dieu a fait l’homme à son image et l’homme le lui a bien rendu ! », au sens où les hommes ont aussi la capacité de se créer un Dieu comme ils l’entendent et à leur mesure.
Il ne suffit pas de dire que Dieu est Dieu et qu’il est unique pour l’avoir défini tel qu’il est.
Ainsi le Dieu des athées (car eux aussi ont un Dieu : celui auquel ils tournent le dos) est un Dieu dont je ne suis pas le fidèle, moi aussi je rejette ce Dieu-là. Car si le Dieu qu’ils se sont faits ou qu’on leur a présenté était celui de Jésus-Christ – dans son authenticité – ils ne pourraient que l’aimer et se laisser aimer par lui.
Le Dieu des musulmans, tel qu’il apparaît de façon multiple dans le Coran et à travers ce que nous offre l’Islam ne peut être identifié au Dieu de Jésus-Christ, même si un musulman peut avoir subjectivement une attitude juste vis-à-vis de son Dieu.
Seul le Dieu des Juifs qui résulte de l’authentique révélation d’abord offerte au peuple d’Israël peut être considéré comme le vrai Dieu, comme notre Dieu, à la différence près que cette image reste encore imparfaite tant qu’elle ne conduit pas à la révélation plénière donnée en Jésus-Christ. Ce qui est sûr, c’est que je ne peux rejeter aucun des éléments que le croyant juif attribue à Dieu, puisque Dieu ne peut se contredire dans la révélation qu’il fait de lui-même.
Si cela lui a coûté cher, très cher de se révéler à travers le mystère de l’Incarnation, de la mort et de la Résurrection, c’est que cela valait la peine pour nous, de le connaître ainsi.
Mieux le connaître pour mieux l’aimer, mieux l’aimer pour mieux le connaître : ce double mouvement qui a inspiré les Pères de l’Eglise doit encore nous animer pour ne pas rester à un à-peu-près, dans une paresse de l’intelligence et du cœur qui fait offense au sang qu’il a versé pour se révéler de manière authentique et nous conduire ainsi au salut, par un chemin désormais incontournable.

 « Je crois en un seul Dieu, le Père »

Avoir une attitude subjectivement juste à l’égard de Dieu ne suffit pas si elle ne me met pas en rapport avec la vérité de ce qu’il est.
Ce que je peux dire de lui est important – essentiel même – puisque sans cela je reste enfermé dans ma propre conception d’un Dieu qui n’est pas Celui qui est, qui veut entrer en rapport avec moi et, par là, me sauver.

Dieu père ?     
L’image de la paternité a souvent été attribuée à la divinité, y compris dans les mythologies de l’antiquité, pour les divinités masculines bien sûr, et les plus importantes, qui sont comme l’ébauche de la figure authentique de Dieu («Zeus-père»). (on reviendra sur l’image improbable d’un « Dieu-mère »)
Dans le monothéisme, la paternité pose un problème : Dieu étant unique de qui peut-il être le père ? Alors, pour les Juifs, il est père par l’acte créateur (nous le verrons), il est aussi le père du peuple d’Israël ; cette paternité ne s’applique pas, en effet, de façon personnelle aux individus mais à l’égard de l’ensemble des fils d’Abraham : tout au plus, Dieu est père du roi d’Israël.
A la paternité, qui est une constante dans l’image que l’homme se fait de Dieu, comme le résidu de ce qu’il a pu connaître de lui au temps de la Création, sont associées les notions d’origine et de puissance. La Révélation de l’Ancien Testament la corrige en y ajoutant encore celle de l’amour. Alors on voit apparaître Dieu comme « Père des pauvres ».

Dieu, le Père de Jésus   
Mais c’est d’une manière toute particulière que Dieu se révèle Père dans l’enseignement du Christ, qui conduit à découvrir la relation unique qui le relie à lui et éduque l’humanité à entrer dans la notion inouïe de Trinité. Rapport étroit entre le « Père » et le « Fils », qui lui permet d’employer le mot familier « Abba » (papa).

Dieu notre Père     
La Trinité ainsi révélée nous montre un amour qui peut être éternel sans être narcissique, puisqu’il est circulation d’amour entre « Personnes » divines qui ne sont qu’un seul Dieu. C’est de cet amour que naît l’être humain. Par l’humanité de Jésus-Christ, la créature est invitée à entrer dans une relation filiale, comme « fils adoptif » dans le Christ, et à bénéficier de cet amour divin.
La prière du « Notre Père » enseignée par Jésus nous permet de reconnaître en Dieu celui qui est notre origine, notre providence et dont l’amour nous conduit là où nos propres pas seraient incapables de nous mener.

Dieu est Père. Toute la Création peut le dire, reconnaissant en lui son origine, sa Providence et son guide.
Jésus-Christ peut le dire d’une façon unique, vivant de cette filiation éternelle qui lui fait partager sa nature même.
Les hommes peuvent aussi le dire d’une manière particulière quand, ayant été incorporés au Christ par le baptême, ils ont droit – dans le Christ – au même héritage : la vie éternelle qui déjà resplendit en eux.

Parlant de Dieu, nos mots et nos réalités sont impuissants à exprimer de façon adéquate ce qui, par définition, nous échappe. Nous ne pouvons parler de lui que par « analogie », c’est-à-dire qu’en évoquant les réalités de ce monde, nous sommes en mesure de dire quelque chose du monde spirituel. Quand nous parlons de paternité, nous y associons les notions d’origine, d’autorité, de puissance, d’amour, de responsabilité et tant d’autres choses ; certains aujourd’hui considèrent ces éléments comme complètement culturels : paternité/maternité, le dualisme homme/femme lui-même seraient des clivages artificiels qu’il serait urgent de gommer…

Jugement en partie vrai, dangereusement faux pour l’essentiel. Pourquoi ne pourrions-nous pas appeler Dieu « mère », faisant référence notamment à sa tendresse, qualité souvent liée à la féminité ? Le prophète Osée le suggère, saint Jean Chrysostome appelait Dieu “Père de tendresse, médecin des âmes, mère et ami affectueux…”, le pape Jean-Paul Ier s’exprimait aussi sur ce sujet le 10 septembre 1978 : « Nous sommes de la part de Dieu objet d’un amour sans faille. Nous le savons : il a toujours les yeux ouverts sur nous, même lorsqu’il nous semble qu’il fait nuit. Il est papa ; plus encore il est mère. Il ne veut pas nous faire du mal. Il veut seulement notre bien à tous. Si par hasard les enfants sont malades, ils ont un titre de plus à l’amour de la maman. Et nous aussi, s’il nous arrive d’être malades de méchanceté, d’avoir quitté la bonne route, nous avons un titre de plus pour être aimés du Seigneur. »

Quoi qu’il en soit de cette fonction paternelle ou maternelle de Dieu, elle nous constitue enfin dans une relation fraternelle entre nous. De la paternité divine découle l’impératif fondamental d’une vie authentiquement fraternelle entre les membres de l’Eglise, comme un ferment au cœur de l’humanité invitée, à travers elle, à découvrir sa communion d’origine et de destin et la puissance de l’amour.
Un formidable défi pour chacun de nous !

« Je crois en Dieu, le Père Tout-Puissant»

Non ! Notre Dieu n’est pas un Dieu faible et vaincu, il est bien le Tout-Puissant !
Des siècles de prédication pieuse ont parfois mis dans la tête des fidèles que la puissance était malsaine, alors qu’elle est tout simplement un des attributs essentiels de Dieu. Dieu ne répondrait plus à sa définition s’il n’avait sur toutes choses une puissance infinie et sans limites. Il me souvient d’un prêtre – vicaire épiscopal au demeurant ! – à qui cette réalité était à ce point insupportable, qu’il ne pouvait dire le Credo sans l’édulcorer avec une formule de son cru : « Je crois en Dieu tout-puissant d’amour » !
Non, Dieu est tout-puissant !

Et c’est à cause de cette toute-puissance, que je ne cesse d’admirer la délicatesse de celui qui a accepté d’assumer la fragilité humaine et de la connaître jusqu’à l’abaissement le plus total : l’humiliation de la croix. L’échec apparent du Christ nous révèle la puissance de Dieu qui n’a rien à voir avec celle du monde, c’est une des raisons de l’équivoque dont je viens de parler.

La toute-puissance de Dieu – à nous qui avons tant de mal à concevoir le pouvoir autrement que dans une certaine forme de violence – nous paraît encore être battue en brèche dans les limites qu’il a voulu se fixer : celles de notre liberté. Dieu peut nous contraindre, il en a la puissance mais il ne l’a pas voulu : il ne nous sauvera pas sans nous, car il a voulu faire place à la liberté de notre amour et ne veut pas faire de nous de simples marionnettes.

Cette toute-puissance, plus douloureusement encore, nous échappe devant le mystère de la souffrance innocente : Dieu ne peut-il donc rien faire ? Sa puissance n’a rien d’arbitraire et nous ne pouvons mettre l’épreuve du mal au compte des caprices d’un Dieu qui se jouerait de nous ou nous ignorerait. Il faut bien reconnaître là que nous ne mesurons l’échelle du bien et du mal qu’à la perception limitée que nous pouvons en avoir, si grande soit la souffrance : nous sommes donc invités à l’humilité. Par ailleurs l’expérience du Christ est là pour nous dire que Dieu ne se détourne pas de la souffrance et de l’injustice mais qu’il l’habite, il nous suggère que le mal a des racines et des prolongements qui vont bien au-delà de la simple conséquence mécanique, mais qu’au terme, il nous délivrera, nous qui lui avons tenu la main dans la foi, et qu’avec lui nous vaincrons.

« Je crois en un seul Dieu, Créateur »

Nous avons vu comment Dieu « tout-puissant » est le tout absolu : cela appartient à sa définition. Il est le seul dont l’existence est éternelle, il préexiste donc à tout ce qui n’est pas lui : le temps, l’univers et tout ce que nous pouvons concevoir. Il en est l’origine.
Pour penser l’univers, l’homme a pu croire que ce monde était éternel, comme Dieu en somme. Les problèmes et les questions qu’engendrent une telle hypothèse deviennent alors eux-aussi infinis …
A l’opposé d’un univers stationnaire et éternel, les cosmologistes ont développé l’idée d’un monde en extension, s’arrêtant toujours au seuil du commencement qui ne peut faire l’économie de la question spirituelle : y a-t-il une intelligence qui ait pensé le monde ou est-il le fruit d’un formidable hasard ?
L’un d’eux, le cosmologiste anglais Fred Hoyle, en 1948, va ironiser sur ceux qui pensent que la science peut approcher ce commencement, en employant le terme de « Big Bang » et en traitant même un de ses éminents collègues en 1960, de « Big Bang man » ! Il s’agissait d’un prêtre belge, l’abbé Lemaître. Au final, l’effet fut exactement inverse. Le terme et la conception d’une origine comme une explosion première eut le succès planétaire que l’on sait …
Quant à la naissance de l’humanité, la théorie de l’évolution dont Darwin fut un des premiers chantres voulait être une contradiction portée aux « créationnistes ». Or, le livre de la Genèse que certains fondamentalistes américains brandissent comme une explication du « comment » de la création de l’homme, s’accorde fort bien avec l’évolutionnisme (même si cette théorie, comme souvent en la matière, est en partie remise en question).
La Bible nous dit que Dieu est à l’origine de tout et que lui seul préexiste, que rien ne fut sans sa volonté et même sans son amour. Sans prétendre aborder le « comment » de la création de l’être humain, la Genèse nous en révèle le « pourquoi » et place l’homme et la femme au sommet de l’acte créateur, qu’il ait été l’affaire d’une fraction de seconde, d’une semaine ou le résultat d’une évolution de milliards d’années. « Mille ans pour toi sont comme un jour », dit le psaume. On entre là dans la question du temps et son rapport à Dieu, son rapport à l’homme.

« Je crois en un seul Dieu, Créateur du ciel et de la terre»

Le vertige que peut donner par exemple à un enfant la contemplation du ciel et de son infinitude (car les adultes ont autre chose à faire que de s’occuper de choses sérieuses …) est une de ces premières expériences où l’être humain prend conscience qu’il y a un seuil qu’il ne peut franchir : au-delà de ce qui est, qu’y a-t-il ? Rien ? Mais rien est déjà quelque chose… Et nous, qui sommes complètement circonscrits par l’espace, avons de la peine à concevoir une absence de limite. L’espace est une réalité plus sensible et plus facile à appréhender, mais pour le temps, la difficulté est peut-être plus grande encore : comment penser avant le temps et après le temps, ou plutôt hors du temps (puisque les notions d’avant et d’après n’y ont plus de sens) ?
C’est uniquement par le mode propre de la foi que l’être humain peut entrer en relation avec Celui qui habite l’en-deçà ou l’au-delà du temps et de l’espace.
Dire que Dieu est au commencement et au terme de tout, c’est être encore prisonniers de notre besoin de limites, voilà pourquoi le Verbe éternel de Dieu se définit dans le Livre de l’Apocalypse comme « l’Alpha et l’Oméga », par la première et la dernière lettre de l’alphabet grec. Dieu était avant ce qui est pour nous le commencement du temps et sera après la fin du temps : il « est », « Je suis celui qui est » se révèle-t-il à Moïse ; de la même façon son être et sa puissance s’exercent sur les espaces infinis qui ne connaissent aucune limite…
De là vient notre difficulté à concevoir que Dieu puisse connaître notre avenir sans en déduire que nous ne sommes pas libres de le construire. Dieu a le temps déployé devant lui comme un immense rouleau que l’homme écrit jour après jour avec sa propre liberté : je peux choisir demain d’aller à droite ou à gauche mais Dieu sait depuis toujours ce que je ferai demain. Alors suis-je conditionné ? Absolument pas ! Jusqu’au dernier moment je dispose de mon libre arbitre, Dieu ne me manipule pas comme une marionnette et j’ai tout pouvoir aujourd’hui de tout changer pour demain, mais cela, Dieu le sait encore puisqu’ hors du temps il le contemple dans un éternel présent. Par analogie avec l’espace, il est comme le pilote d’avion qui contemple en un regard la totalité d’une chaîne de montagnes dont le marcheur découvre les vallées les unes après les autres au fur et à mesure qu’il franchit cols et sommets.

Dans l’évocation de l’œuvre créatrice de Dieu, nous sommes sans cesse confrontés à la distance incommensurable qui nous sépare de lui.
La Création est souvent envisagée comme l’œuvre d’un artisan qui fabrique et abandonne ensuite à son propre sort l’objet ainsi sorti de son intelligence et de ses mains. Parler de la Création revient d’ordinaire à se poser la question des origines, or l’œuvre créatrice de Dieu s’étend bien au-delà car elle est une œuvre continue : Dieu ne s’est pas contenté de créer un jour, il crée sans cesse. L’être de Dieu soutient tout ce qui est : que Dieu cesse de le vouloir et ce qui était n’est plus.
Les trois premiers chapitres de la Genèse sont essentiels pour entrer dans la compréhension du dessein créateur de Dieu qui opère par sa Parole et par sa Sagesse, autrement dit par le Verbe éternel et par l’Esprit, « Dieu dit », « Dieu envoie son souffle », ces expressions et tant d’autres éléments encore trouvent leur explicitation avec la révélation de la Trinité opérée par le Nouveau Testament.
Et cette création est le premier acte d’une alliance avec l’homme. L’univers est ordonné et bon, propre à conduire l’être humain qui en est le sommet à une relation libre d’amour. Et cela, dans un projet, à travers un cheminement qui conduit à une perfection ultime à laquelle Dieu nous a destinés.
Il importe alors au plus haut point pour l’homme de connaître la « grammaire » de ce monde, d’en connaître les règles et la destination afin que, s’inscrivant dans cette Loi première, il y trouve la sagesse et la liberté, la joie et la confiance.
Le Péché originel est dans le refus de nos premiers pères d’accepter d’un Autre la loi du bien et du mal et la volonté de s’approprier la maîtrise de ce qu’ils avaient reçu, en mangeant « le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ».
Il n’est pas besoin de faire beaucoup d’efforts pour voir comment ce péché nous a marqués et combien les conséquences en demeurent encore aussi funestes.

« Je crois en un seul Dieu, Créateur de l’univers visible et invisible »

L’univers visible est ce monde dans lequel nous vivons, compris entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, dont l’être humain est le sommet. Nous n’en connaissons pour le moment qu’une infime partie, mais même ce que l’œil ne peut voir, ce que la science n’a pas encore exploré, tout cela appartient au « monde visible ».
L’univers invisible est la part de la Création qui échappe à toute investigation humaine. Tout au plus, l’homme peut-il percevoir les effets de ce monde spirituel, mais c’est essentiellement par révélation qu’il peut en appréhender une part infime, là aussi.
A ce monde invisible appartiennent les anges, êtres spirituels, non corporels, créatures personnelles et immortelles dotées d’intelligence et de volonté. L’Ecriture sainte est explicite à leur sujet, elle les évoque 325 fois, principalement dans le Nouveau Testament où la vie de Jésus est entourée de l’adoration et du service des anges. De même, tout être humain est accompagné de leur garde et de leur intercession. Chaque fidèle a à ses côtés un ange comme protecteur et pasteur pour le conduire à la vie, et à qui il peut s’adresser dans la prière.
L’Ecriture sainte distingue une hiérarchie angélique qui correspond aux divers services assumés par les anges.
Les anges furent naturellement créés bons. L’Ecriture évoque la chute de ceux, parmi eux, qui ont refusé Dieu et son Règne, et qui se tiennent derrière le choix désobéissant de nos premiers parents. Cette faute résumée par le cri : « Je ne servirai pas ! » est irrévocable et ne peut conduire à aucun repentir ni donc à aucun pardon.
La permission divine de l’activité de celui qu’on nomme diable ou Satan est un mystère (évoqué notamment par le Livre de Job), mais elle reste limitée : Satan n’étant qu’une créature qui ne peut empêcher l’édification du Règne de Dieu, et n’est en aucune façon une sorte de « Dieu du mal », dans une vision dualiste de la réalité.
Notons encore sur ce chapitre que les êtres humains ne peuvent nullement appartenir à ce monde angélique si différent du nôtre par nature. Les petits enfants décédés, que l’imaginaire populaire imagine comme des anges, sont des êtres humains à part entière avec leurs caractéristiques propres.

Publié le 30 mai 2025

Le credo partie 1

En cette année qui marque le 1300ème anniversaire du premier grand concile œcuménique, celui de Nicée qui définit les termes de la foi chrétienne, il est bon de revenir sur ces articles du Credo que développa encore le premier concile de Constantinople . C’est la profession de foi dite de “Nicée-Constantinople” que nous disons à la messe le dimanche :

Je crois en un seul Dieu, le Père Tout-Puissant, Créateur du ciel et de la terre de l’univers visible et invisible. Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles Il est Dieu, né de Dieu, Lumière, né de la Lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu, engendré, non pas créé, de même nature que le Père, et par Lui tout a été fait. Pour nous les hommes, et pour notre salut, Il descendit du ciel ; par l’Esprit Saint, Il a pris chair de la Vierge Marie, et S’est fait homme. Crucifié pour nous sous Ponce Pilate, Il souffrit sa passion et fut mis au tombeau. Il ressuscita le troisième jour, conformément aux Écritures, et Il monta au ciel ; Il est assis à la droite du Père. Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts ; et son règne n’aura pas de fin. Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; Il procède du Père et du Fils ; avec le Père et le Fils, Il reçoit même adoration et même gloire ; Il a parlé par les prophètes. Je crois en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique. Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés. J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir. Amen.

Etre chrétien, ce n’est pas adhérer à un système de valeurs : un sondage exécuté il ya peu montre que pour 84% des Français, Dieu n’est pas nécessaire pour avoir de “bonnes valeurs”. Ce résultat est dû en partie à la sécularisation de valeurs chrétiennes considérées aujourd’hui comme culturelles et dont on ne craint pas d’attribuer la paternité aux “Lumières” parce que notre mémoire est incapable de remonter dix huit siècles plus haut, mais il est certain que croire ne signifie pas d’abord avoir une morale mais s’attacher à une personne : un Dieu personnel qui s’est donné à voir, à comprendre, à toucher ; c’est ensuite entrer avec lui dans une relation qui engage toute la vie.

 

La foi est une question de vie ou de mort

«  Je prends aujourd’hui à témoin contre toi le ciel et la terre : je te propose de choisir entre la vie et la mort, entre la bénédiction et la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui ; c’est là que se trouve la vie. » (Dt XXX 19-20)

Entre les deux qui ne choisirait la vie ?

Et qui d’autre que Dieu peut m’en garantir le chemin ?

Il l’a balisé par ces mots du Deutéronome : « aimer le Seigneur ton Dieu, écouter sa voix, s’attacher à lui, c’est là que se trouve la vie. ». Les croyants appellent cela « la foi » : écouter, autrement dit se laisser instruire sur un certain nombre de choses, s’attacher à lui, c’est-à-dire accepter de cheminer patiemment avec lui, de faire route avec lui, de le laisser entrer dans sa propre vie pour pénétrer dans la sienne, et tout cela dans l’amour, l’ouverture du cœur.

Personne ne peut le faire à ta place

Simplement, comme un service, l’Eglise propose inlassablement l’enseignement du Christ rassemblé dans le « Credo », à toi de faire le reste…

« Je crois »

Le premier mot de notre profession de foi, lui a donné son nom : « Credo », c’est-à-dire « Je crois ».
D’où nous vient le texte du Credo ?      
Il fut établi par les évêques de l’Eglise universelle réunis en un concile dans la ville de Chalcédoine (Turquie actuelle) en 381. Il reprend, en grande partie, celui du concile de Nicée de l’année 325.
A-t-on besoin d’un texte pour dire sa foi ?  
La norme de la foi reste l’Evangile. L’Evangile au sens large et plénier n’est pas contenu dans un document écrit, il est la Bonne Nouvelle de la Personne même du Christ que ne peut contenir aucun document écrit comme le dit saint Jean : « si on devait écrire tout ce que Jésus a fait le monde entier ne pourrait contenir les livres qu’on écrirait » (Jn XXI 25). Le besoin d’un texte écrit, bref et commun à tous, s’est fait sentir comme une nécessité du point de vue des croyants. Il est le critère qui permet de dire : « nous partageons la même foi ». Qu’est-ce qui peut unir des individus si leur point commun ne peut être défini ?
Le texte que nous utilisons n’est-il pas trop ancien et, à ce titre, obsolète ?        
L’Evangile a la capacité de répondre à chaque génération nouvelle avec ses propres questions, il faut donc que ce texte commun du Credo (qui ne peut figer la Vérité qui n’est pas une doctrine mais une Personne) soit assez précis et en même temps ouvert. Voilà pourquoi, au cours de l’histoire de nouveaux catéchismes sont publiés sur la même base, jamais en contradiction, mais avec des éclairages nouveaux et que le texte même du Credo a été sujet à des interprétations qui firent débat. Cependant il a toujours été reconnu comme normatif, certainement parce que l’Esprit-Saint a inspiré sa rédaction, selon la promesse faite par le Christ à ses apôtres quand il leur a dit : « qui vous écoute, m’écoute » (Lc X 16). Expérience merveilleuse des époques conciliaires où à Nicée I, à Constantinople I, Vatican II et tant d’autres encore, l’Eglise s’est mise tout entière à l’écoute de son Maître pour faire retentir sa Voix.

En parcourant chacun des articles du Credo, nous comprendrons que loin de l’enfermer, ils sont, selon la belle expression de Benoît XVI parlant des dogmes, « une fenêtre ouverte sur la Vérité »…

 

Notre Profession de foi commence en français par le pronom personnel singulier « Je », qui correspond au terme latin « Credo ». Il n’est pas anodin de noter que, dans l’autre version du texte original, la version grecque, il s’agit d’un pluriel : « Nous croyons ».

Les deux versions ont quelque chose à nous dire.

Le « Nous » rappelle que l’acte de croire fait entrer l’individu croyant dans le chœur (au sens d’ensemble choral) de l’Eglise et le fait sortir de la prison de son « moi », de sa propre opinion, de son subjectivisme qui ne le ramèneront toujours qu’à lui-même, à ses questions et à ses propres réponses.

Le « Je » redit aussi que l’individu doit donner une réponse personnelle, que Dieu attend et respecte le choix qui ne peut qu’être individuel de l’homme. On ne peut s’abriter en permanence derrière les autres, et je sais que je me trouverai, un jour, seul face à ma propre responsabilité quand, devant Dieu, je devrai rendre compte de ma vie. Jamais, non plus, l’appartenance à l’Eglise ou l’entrée dans le Royaume de Dieu ne fait disparaître l’être humain dans un collectif, si lumineux soit-il. C’est à un face à face personnel que je suis appelé, c’est d’un amour unique que je suis aimé : c’est avec un « je » unique que je dois y répondre, avec la liberté qui m’est propre et que je ne peux abdiquer.

En allant un peu plus loin, ce « nous » et ce « je » révèlent les deux aspects de la foi (ce que les théologiens appellent de noms savants : la « fides quae » et la « fides qua ») : la « foi qui » est crue et la « foi avec laquelle » je crois.
La foi qui est crue est le contenu commun de la foi, celui que l’Eglise a pu écrire il y a près de dix-sept siècles et peut tenir encore aujourd’hui, tant il est vrai que ce qui est de foi catholique est ce qui a toujours été cru par l’universalité de l’Eglise. C’est la foi du « nous » de l’Eglise.
La foi avec laquelle je crois n’est certainement pas une manière d’arranger « à sa sauce » la foi de l’Eglise en prenant et en laissant les articles à mon gré comme si j’y faisais mon marché. C’est, dans le cadre non négociable de la totalité du Credo, ma façon forcément unique de vivre ma foi comme une relation personnelle avec Dieu.

 

Croire ou comprendre ? Comment pouvons-nous dire : « je crois » ? Cette question revient par exemple sur les lèvres de parents appelés à confesser la foi de l’Eglise le jour du baptême de leur enfant, « Dieu, je ne l’ai jamais vu », « je ne comprends pas bien », etc.
Heureusement que nous ne « com-prenons » pas ! Comprendre, c’est saisir, c’est faire le tour, c’est d’une certaine façon, s’être rendu maître de quelque chose ou de quelqu’un, et Dieu ne m’appartiendra jamais !
Dieu n’est ni de l’ordre de l’absurde, ni de l’inconnaissable, mais croire en lui n’a rien à voir avec l’évidence qui s’impose au terme d’une enquête. Saint Paul peut ainsi affirmer que la foi n’existera plus dans l’au-delà : puisqu’il n’y aura plus de place pour cet acte d’amour et de confiance qui ne m’est permis que grâce à l’obscurité dans laquelle je marche ici-bas. Tout le monde connaît cette phrase du poète : « c’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière ».
Pour autant, l’objet de notre foi ne s’oppose pas à la raison et celle-ci est capable d’atteindre une partie de la vérité sur Dieu, à commencer par son existence qui peut se déduire de la Création.
Tout ce qui provient de la Révélation vient compléter ce que nous pouvons pressentir par l’intelligence et ne peut qu’être en harmonie avec la raison, mais elle la dépasse et nous fait accéder à un type de connaissance supérieur.

Par la foi, j’accède à Dieu d’une manière juste : personnelle, humble, filiale, amoureuse, fragile, jamais rassasiée, toujours nouvelle, toujours plus riche et qui m’oblige à m’impliquer moi-même, ce que je ne ferai jamais à l’égard de ce que je ne « connais » ou de ce que je ne « comprends » que par la raison.

D’où vient ma foi ? Des intermédiaires ont pu être de bons relais : parents, maîtres, culture ambiante, rencontres ou aléas de la vie. Mais à l’origine, il y a toujours Dieu lui-même. La foi est d’abord un don et un appel qui vient d’en haut. Ma réponse libre – toujours nécessaire – n’en sera que plus reconnaissante.

Pourquoi tous ne croient-ils pas ? En raison du dysfonctionnement des relais humains, de la surdité et de la liberté personnelles. Dieu a aussi pour chacun son heure pour lui faire ce don, que la prière peut hâter et préparer.

La foi reste la porte indispensable au salut : « celui qui ne croira pas, sera condamné » dit Jésus (Mt 16,16). Condition nécessaire pour entrer en contact avec Dieu dès maintenant, elle est le commencement de la vie éternelle.
Il me souvient d’une tombe du cimetière de Lorgues où je célébrais une inhumation, marquée de ce seul mot : « Credo », comme la fière protestation de celui qui a trouvé la clé capable de lui ouvrir les portes de la Vie et qui sait qu’il ne pourra jamais se prévaloir de rien d’autre devant Dieu.

« Je crois en un seul Dieu »

Croire, oui. Mais croire en quoi, en qui ? Il est très difficile de trouver aujourd’hui des gens qui ne croient pas. Mais, bien souvent, cette « foi » s’est aussi sécularisée, et on croira : en soi, dans des « valeurs », au progrès, aux autres, etc.
Donner sa foi, c’est s’en remettre à quelque chose d’autre.
Croire en soi laisse perplexe : on peut et il faut, dans une certaine mesure, avoir confiance en soi, mais on voit mal comment cette « foi » peut nous faire échapper à notre propre fragilité.
La foi doit donc faire référence à autre chose. Si cette foi a quelque ambition, ce quelque chose doit n’être pas changeant (qu’est-ce qui est stable dans les prétendues « valeurs » toujours relatives aux temps et aux lieux ?).
Telle l’ancre du bateau qui met, pour l’assurer, ce qu’il y a de mouvant en contact avec le sol ferme ou le rocher, la foi de l’homme le relie à ce quelque chose qui est hors de lui, hors de ce monde.
Ainsi la raison nous permet de concevoir (sans le comprendre !) une origine à l’univers, une antériorité, une puissance, peut-être même une volonté.
C’est là qu’entre en jeu la foi religieuse : depuis le début de l’humanité l’homme a cherché à entrer en contact avec cette force qu’il a nommée « Dieu » ; cette force a donc quelque chose de personnel, ce n’est plus « quelque chose », mais bien « Quelqu’un ».
La foi religieuse est diverse : ce « Dieu » peut être multiple (polythéisme) et revêtir des aspects contradictoires : puissance hostile qu’il faut apaiser ou bienveillante, étrangère aux hommes ou gouvernant chaque détail de la marche du monde. Dans cette religion naturelle subsiste la nostalgie des premiers temps où l’homme est sorti des « mains » de Dieu, mais son chemin l’a progressivement éloigné de lui et cette recherche spirituelle a petit à petit été livrée à elle-même, conduisant à toutes les aberrations. Cependant le cœur et la raison, alliées à une conscience droite ont toujours orienté l’humanité vers la conception d’un Dieu unique.
Répondant à cette aspiration, Dieu n’a pas rompu le contact et n’a cessé de se révéler dans le secret des cœurs et des intelligences. Mais il a voulu, d’une manière toute spéciale le faire auprès d’un peuple : le peuple juif, pour lequel il a multiplié ses attentions en vue du salut de tous.
Et cette « Révélation », nous offre bien un Dieu unique, personnel, bienveillant, qui se manifeste à un peuple au destin duquel il se lie et dont il attend une réponse d’amour, dans une exigence de justice.
C’est vers ce Dieu d’Abraham que converge le regard des fils d’Israël et des fils de l’Eglise.

Croit-on tous au même Dieu ?      

Juifs, chrétiens, musulmans croient en un seul Dieu. D’autres croyants encore, qui ne se réclament d’aucune religion acceptent volontiers l’existence d’un Dieu unique.
« Puisqu’il n’y a qu’un Dieu, entend-on souvent, nous ne pouvons croire qu’au même Dieu », et pourtant… S’il n’y a qu’un Dieu, il est effectivement le même pour tous, d’un point de vue absolu, objectif.
Mais la connaissance que nous en avons peut être différente et son image ainsi perçue peut revêtir des aspects très variés et même contradictoires. Voltaire écrivait avec sa plume sarcastique : « Dieu a fait l’homme à son image et l’homme le lui a bien rendu ! », au sens où les hommes ont aussi la capacité de se créer un Dieu comme ils l’entendent et à leur mesure.
Il ne suffit pas de dire que Dieu est Dieu et qu’il est unique pour l’avoir défini tel qu’il est.
Ainsi le Dieu des athées (car eux aussi ont un Dieu : celui auquel ils tournent le dos) est un Dieu dont je ne suis pas le fidèle, moi aussi je rejette ce Dieu-là. Car si le Dieu qu’ils se sont faits ou qu’on leur a présenté était celui de Jésus-Christ – dans son authenticité – ils ne pourraient que l’aimer et se laisser aimer par lui.
Le Dieu des musulmans, tel qu’il apparaît de façon multiple dans le Coran et à travers ce que nous offre l’Islam ne peut être identifié au Dieu de Jésus-Christ, même si un musulman peut avoir subjectivement une attitude juste vis-à-vis de son Dieu.
Seul le Dieu des Juifs qui résulte de l’authentique révélation d’abord offerte au peuple d’Israël peut être considéré comme le vrai Dieu, comme notre Dieu, à la différence près que cette image reste encore imparfaite tant qu’elle ne conduit pas à la révélation plénière donnée en Jésus-Christ. Ce qui est sûr, c’est que je ne peux rejeter aucun des éléments que le croyant juif attribue à Dieu, puisque Dieu ne peut se contredire dans la révélation qu’il fait de lui-même.
Si cela lui a coûté cher, très cher de se révéler à travers le mystère de l’Incarnation, de la mort et de la Résurrection, c’est que cela valait la peine pour nous, de le connaître ainsi.
Mieux le connaître pour mieux l’aimer, mieux l’aimer pour mieux le connaître : ce double mouvement qui a inspiré les Pères de l’Eglise doit encore nous animer pour ne pas rester à un à-peu-près, dans une paresse de l’intelligence et du cœur qui fait offense au sang qu’il a versé pour se révéler de manière authentique et nous conduire ainsi au salut, par un chemin désormais incontournable.

 « Je crois en un seul Dieu, le Père »

Avoir une attitude subjectivement juste à l’égard de Dieu ne suffit pas si elle ne me met pas en rapport avec la vérité de ce qu’il est.
Ce que je peux dire de lui est important – essentiel même – puisque sans cela je reste enfermé dans ma propre conception d’un Dieu qui n’est pas Celui qui est, qui veut entrer en rapport avec moi et, par là, me sauver.

Dieu père ?     
L’image de la paternité a souvent été attribuée à la divinité, y compris dans les mythologies de l’antiquité, pour les divinités masculines bien sûr, et les plus importantes, qui sont comme l’ébauche de la figure authentique de Dieu («Zeus-père»). (on reviendra sur l’image improbable d’un « Dieu-mère »)
Dans le monothéisme, la paternité pose un problème : Dieu étant unique de qui peut-il être le père ? Alors, pour les Juifs, il est père par l’acte créateur (nous le verrons), il est aussi le père du peuple d’Israël ; cette paternité ne s’applique pas, en effet, de façon personnelle aux individus mais à l’égard de l’ensemble des fils d’Abraham : tout au plus, Dieu est père du roi d’Israël.
A la paternité, qui est une constante dans l’image que l’homme se fait de Dieu, comme le résidu de ce qu’il a pu connaître de lui au temps de la Création, sont associées les notions d’origine et de puissance. La Révélation de l’Ancien Testament la corrige en y ajoutant encore celle de l’amour. Alors on voit apparaître Dieu comme « Père des pauvres ».

Dieu, le Père de Jésus   
Mais c’est d’une manière toute particulière que Dieu se révèle Père dans l’enseignement du Christ, qui conduit à découvrir la relation unique qui le relie à lui et éduque l’humanité à entrer dans la notion inouïe de Trinité. Rapport étroit entre le « Père » et le « Fils », qui lui permet d’employer le mot familier « Abba » (papa).

Dieu notre Père     
La Trinité ainsi révélée nous montre un amour qui peut être éternel sans être narcissique, puisqu’il est circulation d’amour entre « Personnes » divines qui ne sont qu’un seul Dieu. C’est de cet amour que naît l’être humain. Par l’humanité de Jésus-Christ, la créature est invitée à entrer dans une relation filiale, comme « fils adoptif » dans le Christ, et à bénéficier de cet amour divin.
La prière du « Notre Père » enseignée par Jésus nous permet de reconnaître en Dieu celui qui est notre origine, notre providence et dont l’amour nous conduit là où nos propres pas seraient incapables de nous mener.

Dieu est Père. Toute la Création peut le dire, reconnaissant en lui son origine, sa Providence et son guide.
Jésus-Christ peut le dire d’une façon unique, vivant de cette filiation éternelle qui lui fait partager sa nature même.
Les hommes peuvent aussi le dire d’une manière particulière quand, ayant été incorporés au Christ par le baptême, ils ont droit – dans le Christ – au même héritage : la vie éternelle qui déjà resplendit en eux.

Parlant de Dieu, nos mots et nos réalités sont impuissants à exprimer de façon adéquate ce qui, par définition, nous échappe. Nous ne pouvons parler de lui que par « analogie », c’est-à-dire qu’en évoquant les réalités de ce monde, nous sommes en mesure de dire quelque chose du monde spirituel. Quand nous parlons de paternité, nous y associons les notions d’origine, d’autorité, de puissance, d’amour, de responsabilité et tant d’autres choses ; certains aujourd’hui considèrent ces éléments comme complètement culturels : paternité/maternité, le dualisme homme/femme lui-même seraient des clivages artificiels qu’il serait urgent de gommer…

Jugement en partie vrai, dangereusement faux pour l’essentiel. Pourquoi ne pourrions-nous pas appeler Dieu « mère », faisant référence notamment à sa tendresse, qualité souvent liée à la féminité ? Le prophète Osée le suggère, saint Jean Chrysostome appelait Dieu “Père de tendresse, médecin des âmes, mère et ami affectueux…”, le pape Jean-Paul Ier s’exprimait aussi sur ce sujet le 10 septembre 1978 : « Nous sommes de la part de Dieu objet d’un amour sans faille. Nous le savons : il a toujours les yeux ouverts sur nous, même lorsqu’il nous semble qu’il fait nuit. Il est papa ; plus encore il est mère. Il ne veut pas nous faire du mal. Il veut seulement notre bien à tous. Si par hasard les enfants sont malades, ils ont un titre de plus à l’amour de la maman. Et nous aussi, s’il nous arrive d’être malades de méchanceté, d’avoir quitté la bonne route, nous avons un titre de plus pour être aimés du Seigneur. »

Quoi qu’il en soit de cette fonction paternelle ou maternelle de Dieu, elle nous constitue enfin dans une relation fraternelle entre nous. De la paternité divine découle l’impératif fondamental d’une vie authentiquement fraternelle entre les membres de l’Eglise, comme un ferment au cœur de l’humanité invitée, à travers elle, à découvrir sa communion d’origine et de destin et la puissance de l’amour.
Un formidable défi pour chacun de nous !

« Je crois en Dieu, le Père Tout-Puissant»

Non ! Notre Dieu n’est pas un Dieu faible et vaincu, il est bien le Tout-Puissant !
Des siècles de prédication pieuse ont parfois mis dans la tête des fidèles que la puissance était malsaine, alors qu’elle est tout simplement un des attributs essentiels de Dieu. Dieu ne répondrait plus à sa définition s’il n’avait sur toutes choses une puissance infinie et sans limites. Il me souvient d’un prêtre – vicaire épiscopal au demeurant ! – à qui cette réalité était à ce point insupportable, qu’il ne pouvait dire le Credo sans l’édulcorer avec une formule de son cru : « Je crois en Dieu tout-puissant d’amour » !
Non, Dieu est tout-puissant !

Et c’est à cause de cette toute-puissance, que je ne cesse d’admirer la délicatesse de celui qui a accepté d’assumer la fragilité humaine et de la connaître jusqu’à l’abaissement le plus total : l’humiliation de la croix. L’échec apparent du Christ nous révèle la puissance de Dieu qui n’a rien à voir avec celle du monde, c’est une des raisons de l’équivoque dont je viens de parler.

La toute-puissance de Dieu – à nous qui avons tant de mal à concevoir le pouvoir autrement que dans une certaine forme de violence – nous paraît encore être battue en brèche dans les limites qu’il a voulu se fixer : celles de notre liberté. Dieu peut nous contraindre, il en a la puissance mais il ne l’a pas voulu : il ne nous sauvera pas sans nous, car il a voulu faire place à la liberté de notre amour et ne veut pas faire de nous de simples marionnettes.

Cette toute-puissance, plus douloureusement encore, nous échappe devant le mystère de la souffrance innocente : Dieu ne peut-il donc rien faire ? Sa puissance n’a rien d’arbitraire et nous ne pouvons mettre l’épreuve du mal au compte des caprices d’un Dieu qui se jouerait de nous ou nous ignorerait. Il faut bien reconnaître là que nous ne mesurons l’échelle du bien et du mal qu’à la perception limitée que nous pouvons en avoir, si grande soit la souffrance : nous sommes donc invités à l’humilité. Par ailleurs l’expérience du Christ est là pour nous dire que Dieu ne se détourne pas de la souffrance et de l’injustice mais qu’il l’habite, il nous suggère que le mal a des racines et des prolongements qui vont bien au-delà de la simple conséquence mécanique, mais qu’au terme, il nous délivrera, nous qui lui avons tenu la main dans la foi, et qu’avec lui nous vaincrons.

« Je crois en un seul Dieu, Créateur »

Nous avons vu comment Dieu « tout-puissant » est le tout absolu : cela appartient à sa définition. Il est le seul dont l’existence est éternelle, il préexiste donc à tout ce qui n’est pas lui : le temps, l’univers et tout ce que nous pouvons concevoir. Il en est l’origine.
Pour penser l’univers, l’homme a pu croire que ce monde était éternel, comme Dieu en somme. Les problèmes et les questions qu’engendrent une telle hypothèse deviennent alors eux-aussi infinis …
A l’opposé d’un univers stationnaire et éternel, les cosmologistes ont développé l’idée d’un monde en extension, s’arrêtant toujours au seuil du commencement qui ne peut faire l’économie de la question spirituelle : y a-t-il une intelligence qui ait pensé le monde ou est-il le fruit d’un formidable hasard ?
L’un d’eux, le cosmologiste anglais Fred Hoyle, en 1948, va ironiser sur ceux qui pensent que la science peut approcher ce commencement, en employant le terme de « Big Bang » et en traitant même un de ses éminents collègues en 1960, de « Big Bang man » ! Il s’agissait d’un prêtre belge, l’abbé Lemaître. Au final, l’effet fut exactement inverse. Le terme et la conception d’une origine comme une explosion première eut le succès planétaire que l’on sait …
Quant à la naissance de l’humanité, la théorie de l’évolution dont Darwin fut un des premiers chantres voulait être une contradiction portée aux « créationnistes ». Or, le livre de la Genèse que certains fondamentalistes américains brandissent comme une explication du « comment » de la création de l’homme, s’accorde fort bien avec l’évolutionnisme (même si cette théorie, comme souvent en la matière, est en partie remise en question).
La Bible nous dit que Dieu est à l’origine de tout et que lui seul préexiste, que rien ne fut sans sa volonté et même sans son amour. Sans prétendre aborder le « comment » de la création de l’être humain, la Genèse nous en révèle le « pourquoi » et place l’homme et la femme au sommet de l’acte créateur, qu’il ait été l’affaire d’une fraction de seconde, d’une semaine ou le résultat d’une évolution de milliards d’années. « Mille ans pour toi sont comme un jour », dit le psaume. On entre là dans la question du temps et son rapport à Dieu, son rapport à l’homme.

« Je crois en un seul Dieu, Créateur du ciel et de la terre»

Le vertige que peut donner par exemple à un enfant la contemplation du ciel et de son infinitude (car les adultes ont autre chose à faire que de s’occuper de choses sérieuses …) est une de ces premières expériences où l’être humain prend conscience qu’il y a un seuil qu’il ne peut franchir : au-delà de ce qui est, qu’y a-t-il ? Rien ? Mais rien est déjà quelque chose… Et nous, qui sommes complètement circonscrits par l’espace, avons de la peine à concevoir une absence de limite. L’espace est une réalité plus sensible et plus facile à appréhender, mais pour le temps, la difficulté est peut-être plus grande encore : comment penser avant le temps et après le temps, ou plutôt hors du temps (puisque les notions d’avant et d’après n’y ont plus de sens) ?
C’est uniquement par le mode propre de la foi que l’être humain peut entrer en relation avec Celui qui habite l’en-deçà ou l’au-delà du temps et de l’espace.
Dire que Dieu est au commencement et au terme de tout, c’est être encore prisonniers de notre besoin de limites, voilà pourquoi le Verbe éternel de Dieu se définit dans le Livre de l’Apocalypse comme « l’Alpha et l’Oméga », par la première et la dernière lettre de l’alphabet grec. Dieu était avant ce qui est pour nous le commencement du temps et sera après la fin du temps : il « est », « Je suis celui qui est » se révèle-t-il à Moïse ; de la même façon son être et sa puissance s’exercent sur les espaces infinis qui ne connaissent aucune limite…
De là vient notre difficulté à concevoir que Dieu puisse connaître notre avenir sans en déduire que nous ne sommes pas libres de le construire. Dieu a le temps déployé devant lui comme un immense rouleau que l’homme écrit jour après jour avec sa propre liberté : je peux choisir demain d’aller à droite ou à gauche mais Dieu sait depuis toujours ce que je ferai demain. Alors suis-je conditionné ? Absolument pas ! Jusqu’au dernier moment je dispose de mon libre arbitre, Dieu ne me manipule pas comme une marionnette et j’ai tout pouvoir aujourd’hui de tout changer pour demain, mais cela, Dieu le sait encore puisqu’ hors du temps il le contemple dans un éternel présent. Par analogie avec l’espace, il est comme le pilote d’avion qui contemple en un regard la totalité d’une chaîne de montagnes dont le marcheur découvre les vallées les unes après les autres au fur et à mesure qu’il franchit cols et sommets.

Dans l’évocation de l’œuvre créatrice de Dieu, nous sommes sans cesse confrontés à la distance incommensurable qui nous sépare de lui.
La Création est souvent envisagée comme l’œuvre d’un artisan qui fabrique et abandonne ensuite à son propre sort l’objet ainsi sorti de son intelligence et de ses mains. Parler de la Création revient d’ordinaire à se poser la question des origines, or l’œuvre créatrice de Dieu s’étend bien au-delà car elle est une œuvre continue : Dieu ne s’est pas contenté de créer un jour, il crée sans cesse. L’être de Dieu soutient tout ce qui est : que Dieu cesse de le vouloir et ce qui était n’est plus.
Les trois premiers chapitres de la Genèse sont essentiels pour entrer dans la compréhension du dessein créateur de Dieu qui opère par sa Parole et par sa Sagesse, autrement dit par le Verbe éternel et par l’Esprit, « Dieu dit », « Dieu envoie son souffle », ces expressions et tant d’autres éléments encore trouvent leur explicitation avec la révélation de la Trinité opérée par le Nouveau Testament.
Et cette création est le premier acte d’une alliance avec l’homme. L’univers est ordonné et bon, propre à conduire l’être humain qui en est le sommet à une relation libre d’amour. Et cela, dans un projet, à travers un cheminement qui conduit à une perfection ultime à laquelle Dieu nous a destinés.
Il importe alors au plus haut point pour l’homme de connaître la « grammaire » de ce monde, d’en connaître les règles et la destination afin que, s’inscrivant dans cette Loi première, il y trouve la sagesse et la liberté, la joie et la confiance.
Le Péché originel est dans le refus de nos premiers pères d’accepter d’un Autre la loi du bien et du mal et la volonté de s’approprier la maîtrise de ce qu’ils avaient reçu, en mangeant « le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ».
Il n’est pas besoin de faire beaucoup d’efforts pour voir comment ce péché nous a marqués et combien les conséquences en demeurent encore aussi funestes.

« Je crois en un seul Dieu, Créateur de l’univers visible et invisible »

L’univers visible est ce monde dans lequel nous vivons, compris entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, dont l’être humain est le sommet. Nous n’en connaissons pour le moment qu’une infime partie, mais même ce que l’œil ne peut voir, ce que la science n’a pas encore exploré, tout cela appartient au « monde visible ».
L’univers invisible est la part de la Création qui échappe à toute investigation humaine. Tout au plus, l’homme peut-il percevoir les effets de ce monde spirituel, mais c’est essentiellement par révélation qu’il peut en appréhender une part infime, là aussi.
A ce monde invisible appartiennent les anges, êtres spirituels, non corporels, créatures personnelles et immortelles dotées d’intelligence et de volonté. L’Ecriture sainte est explicite à leur sujet, elle les évoque 325 fois, principalement dans le Nouveau Testament où la vie de Jésus est entourée de l’adoration et du service des anges. De même, tout être humain est accompagné de leur garde et de leur intercession. Chaque fidèle a à ses côtés un ange comme protecteur et pasteur pour le conduire à la vie, et à qui il peut s’adresser dans la prière.
L’Ecriture sainte distingue une hiérarchie angélique qui correspond aux divers services assumés par les anges.
Les anges furent naturellement créés bons. L’Ecriture évoque la chute de ceux, parmi eux, qui ont refusé Dieu et son Règne, et qui se tiennent derrière le choix désobéissant de nos premiers parents. Cette faute résumée par le cri : « Je ne servirai pas ! » est irrévocable et ne peut conduire à aucun repentir ni donc à aucun pardon.
La permission divine de l’activité de celui qu’on nomme diable ou Satan est un mystère (évoqué notamment par le Livre de Job), mais elle reste limitée : Satan n’étant qu’une créature qui ne peut empêcher l’édification du Règne de Dieu, et n’est en aucune façon une sorte de « Dieu du mal », dans une vision dualiste de la réalité.
Notons encore sur ce chapitre que les êtres humains ne peuvent nullement appartenir à ce monde angélique si différent du nôtre par nature. Les petits enfants décédés, que l’imaginaire populaire imagine comme des anges, sont des êtres humains à part entière avec leurs caractéristiques propres.

Publié le 30 mai 2025

Le credo partie 1

man in black leather jacket standing inside building

En cette année qui marque le 1300ème anniversaire du premier grand concile œcuménique, celui de Nicée qui définit les termes de la foi chrétienne, il est bon de revenir sur ces articles du Credo que développa encore le premier concile de Constantinople . C’est la profession de foi dite de “Nicée-Constantinople” que nous disons à la messe le dimanche :

Je crois en un seul Dieu, le Père Tout-Puissant, Créateur du ciel et de la terre de l’univers visible et invisible. Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles Il est Dieu, né de Dieu, Lumière, né de la Lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu, engendré, non pas créé, de même nature que le Père, et par Lui tout a été fait. Pour nous les hommes, et pour notre salut, Il descendit du ciel ; par l’Esprit Saint, Il a pris chair de la Vierge Marie, et S’est fait homme. Crucifié pour nous sous Ponce Pilate, Il souffrit sa passion et fut mis au tombeau. Il ressuscita le troisième jour, conformément aux Écritures, et Il monta au ciel ; Il est assis à la droite du Père. Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts ; et son règne n’aura pas de fin. Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; Il procède du Père et du Fils ; avec le Père et le Fils, Il reçoit même adoration et même gloire ; Il a parlé par les prophètes. Je crois en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique. Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés. J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir. Amen.

Etre chrétien, ce n’est pas adhérer à un système de valeurs : un sondage exécuté il ya peu montre que pour 84% des Français, Dieu n’est pas nécessaire pour avoir de “bonnes valeurs”. Ce résultat est dû en partie à la sécularisation de valeurs chrétiennes considérées aujourd’hui comme culturelles et dont on ne craint pas d’attribuer la paternité aux “Lumières” parce que notre mémoire est incapable de remonter dix huit siècles plus haut, mais il est certain que croire ne signifie pas d’abord avoir une morale mais s’attacher à une personne : un Dieu personnel qui s’est donné à voir, à comprendre, à toucher ; c’est ensuite entrer avec lui dans une relation qui engage toute la vie.

 

La foi est une question de vie ou de mort

«  Je prends aujourd’hui à témoin contre toi le ciel et la terre : je te propose de choisir entre la vie et la mort, entre la bénédiction et la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui ; c’est là que se trouve la vie. » (Dt XXX 19-20)

Entre les deux qui ne choisirait la vie ?

Et qui d’autre que Dieu peut m’en garantir le chemin ?

Il l’a balisé par ces mots du Deutéronome : « aimer le Seigneur ton Dieu, écouter sa voix, s’attacher à lui, c’est là que se trouve la vie. ». Les croyants appellent cela « la foi » : écouter, autrement dit se laisser instruire sur un certain nombre de choses, s’attacher à lui, c’est-à-dire accepter de cheminer patiemment avec lui, de faire route avec lui, de le laisser entrer dans sa propre vie pour pénétrer dans la sienne, et tout cela dans l’amour, l’ouverture du cœur.

Personne ne peut le faire à ta place

Simplement, comme un service, l’Eglise propose inlassablement l’enseignement du Christ rassemblé dans le « Credo », à toi de faire le reste…

« Je crois »

Le premier mot de notre profession de foi, lui a donné son nom : « Credo », c’est-à-dire « Je crois ».
D’où nous vient le texte du Credo ?      
Il fut établi par les évêques de l’Eglise universelle réunis en un concile dans la ville de Chalcédoine (Turquie actuelle) en 381. Il reprend, en grande partie, celui du concile de Nicée de l’année 325.
A-t-on besoin d’un texte pour dire sa foi ?  
La norme de la foi reste l’Evangile. L’Evangile au sens large et plénier n’est pas contenu dans un document écrit, il est la Bonne Nouvelle de la Personne même du Christ que ne peut contenir aucun document écrit comme le dit saint Jean : « si on devait écrire tout ce que Jésus a fait le monde entier ne pourrait contenir les livres qu’on écrirait » (Jn XXI 25). Le besoin d’un texte écrit, bref et commun à tous, s’est fait sentir comme une nécessité du point de vue des croyants. Il est le critère qui permet de dire : « nous partageons la même foi ». Qu’est-ce qui peut unir des individus si leur point commun ne peut être défini ?
Le texte que nous utilisons n’est-il pas trop ancien et, à ce titre, obsolète ?        
L’Evangile a la capacité de répondre à chaque génération nouvelle avec ses propres questions, il faut donc que ce texte commun du Credo (qui ne peut figer la Vérité qui n’est pas une doctrine mais une Personne) soit assez précis et en même temps ouvert. Voilà pourquoi, au cours de l’histoire de nouveaux catéchismes sont publiés sur la même base, jamais en contradiction, mais avec des éclairages nouveaux et que le texte même du Credo a été sujet à des interprétations qui firent débat. Cependant il a toujours été reconnu comme normatif, certainement parce que l’Esprit-Saint a inspiré sa rédaction, selon la promesse faite par le Christ à ses apôtres quand il leur a dit : « qui vous écoute, m’écoute » (Lc X 16). Expérience merveilleuse des époques conciliaires où à Nicée I, à Constantinople I, Vatican II et tant d’autres encore, l’Eglise s’est mise tout entière à l’écoute de son Maître pour faire retentir sa Voix.

En parcourant chacun des articles du Credo, nous comprendrons que loin de l’enfermer, ils sont, selon la belle expression de Benoît XVI parlant des dogmes, « une fenêtre ouverte sur la Vérité »…

 

Notre Profession de foi commence en français par le pronom personnel singulier « Je », qui correspond au terme latin « Credo ». Il n’est pas anodin de noter que, dans l’autre version du texte original, la version grecque, il s’agit d’un pluriel : « Nous croyons ».

Les deux versions ont quelque chose à nous dire.

Le « Nous » rappelle que l’acte de croire fait entrer l’individu croyant dans le chœur (au sens d’ensemble choral) de l’Eglise et le fait sortir de la prison de son « moi », de sa propre opinion, de son subjectivisme qui ne le ramèneront toujours qu’à lui-même, à ses questions et à ses propres réponses.

Le « Je » redit aussi que l’individu doit donner une réponse personnelle, que Dieu attend et respecte le choix qui ne peut qu’être individuel de l’homme. On ne peut s’abriter en permanence derrière les autres, et je sais que je me trouverai, un jour, seul face à ma propre responsabilité quand, devant Dieu, je devrai rendre compte de ma vie. Jamais, non plus, l’appartenance à l’Eglise ou l’entrée dans le Royaume de Dieu ne fait disparaître l’être humain dans un collectif, si lumineux soit-il. C’est à un face à face personnel que je suis appelé, c’est d’un amour unique que je suis aimé : c’est avec un « je » unique que je dois y répondre, avec la liberté qui m’est propre et que je ne peux abdiquer.

En allant un peu plus loin, ce « nous » et ce « je » révèlent les deux aspects de la foi (ce que les théologiens appellent de noms savants : la « fides quae » et la « fides qua ») : la « foi qui » est crue et la « foi avec laquelle » je crois.
La foi qui est crue est le contenu commun de la foi, celui que l’Eglise a pu écrire il y a près de dix-sept siècles et peut tenir encore aujourd’hui, tant il est vrai que ce qui est de foi catholique est ce qui a toujours été cru par l’universalité de l’Eglise. C’est la foi du « nous » de l’Eglise.
La foi avec laquelle je crois n’est certainement pas une manière d’arranger « à sa sauce » la foi de l’Eglise en prenant et en laissant les articles à mon gré comme si j’y faisais mon marché. C’est, dans le cadre non négociable de la totalité du Credo, ma façon forcément unique de vivre ma foi comme une relation personnelle avec Dieu.

 

Croire ou comprendre ? Comment pouvons-nous dire : « je crois » ? Cette question revient par exemple sur les lèvres de parents appelés à confesser la foi de l’Eglise le jour du baptême de leur enfant, « Dieu, je ne l’ai jamais vu », « je ne comprends pas bien », etc.
Heureusement que nous ne « com-prenons » pas ! Comprendre, c’est saisir, c’est faire le tour, c’est d’une certaine façon, s’être rendu maître de quelque chose ou de quelqu’un, et Dieu ne m’appartiendra jamais !
Dieu n’est ni de l’ordre de l’absurde, ni de l’inconnaissable, mais croire en lui n’a rien à voir avec l’évidence qui s’impose au terme d’une enquête. Saint Paul peut ainsi affirmer que la foi n’existera plus dans l’au-delà : puisqu’il n’y aura plus de place pour cet acte d’amour et de confiance qui ne m’est permis que grâce à l’obscurité dans laquelle je marche ici-bas. Tout le monde connaît cette phrase du poète : « c’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière ».
Pour autant, l’objet de notre foi ne s’oppose pas à la raison et celle-ci est capable d’atteindre une partie de la vérité sur Dieu, à commencer par son existence qui peut se déduire de la Création.
Tout ce qui provient de la Révélation vient compléter ce que nous pouvons pressentir par l’intelligence et ne peut qu’être en harmonie avec la raison, mais elle la dépasse et nous fait accéder à un type de connaissance supérieur.

Par la foi, j’accède à Dieu d’une manière juste : personnelle, humble, filiale, amoureuse, fragile, jamais rassasiée, toujours nouvelle, toujours plus riche et qui m’oblige à m’impliquer moi-même, ce que je ne ferai jamais à l’égard de ce que je ne « connais » ou de ce que je ne « comprends » que par la raison.

D’où vient ma foi ? Des intermédiaires ont pu être de bons relais : parents, maîtres, culture ambiante, rencontres ou aléas de la vie. Mais à l’origine, il y a toujours Dieu lui-même. La foi est d’abord un don et un appel qui vient d’en haut. Ma réponse libre – toujours nécessaire – n’en sera que plus reconnaissante.

Pourquoi tous ne croient-ils pas ? En raison du dysfonctionnement des relais humains, de la surdité et de la liberté personnelles. Dieu a aussi pour chacun son heure pour lui faire ce don, que la prière peut hâter et préparer.

La foi reste la porte indispensable au salut : « celui qui ne croira pas, sera condamné » dit Jésus (Mt 16,16). Condition nécessaire pour entrer en contact avec Dieu dès maintenant, elle est le commencement de la vie éternelle.
Il me souvient d’une tombe du cimetière de Lorgues où je célébrais une inhumation, marquée de ce seul mot : « Credo », comme la fière protestation de celui qui a trouvé la clé capable de lui ouvrir les portes de la Vie et qui sait qu’il ne pourra jamais se prévaloir de rien d’autre devant Dieu.

« Je crois en un seul Dieu »

Croire, oui. Mais croire en quoi, en qui ? Il est très difficile de trouver aujourd’hui des gens qui ne croient pas. Mais, bien souvent, cette « foi » s’est aussi sécularisée, et on croira : en soi, dans des « valeurs », au progrès, aux autres, etc.
Donner sa foi, c’est s’en remettre à quelque chose d’autre.
Croire en soi laisse perplexe : on peut et il faut, dans une certaine mesure, avoir confiance en soi, mais on voit mal comment cette « foi » peut nous faire échapper à notre propre fragilité.
La foi doit donc faire référence à autre chose. Si cette foi a quelque ambition, ce quelque chose doit n’être pas changeant (qu’est-ce qui est stable dans les prétendues « valeurs » toujours relatives aux temps et aux lieux ?).
Telle l’ancre du bateau qui met, pour l’assurer, ce qu’il y a de mouvant en contact avec le sol ferme ou le rocher, la foi de l’homme le relie à ce quelque chose qui est hors de lui, hors de ce monde.
Ainsi la raison nous permet de concevoir (sans le comprendre !) une origine à l’univers, une antériorité, une puissance, peut-être même une volonté.
C’est là qu’entre en jeu la foi religieuse : depuis le début de l’humanité l’homme a cherché à entrer en contact avec cette force qu’il a nommée « Dieu » ; cette force a donc quelque chose de personnel, ce n’est plus « quelque chose », mais bien « Quelqu’un ».
La foi religieuse est diverse : ce « Dieu » peut être multiple (polythéisme) et revêtir des aspects contradictoires : puissance hostile qu’il faut apaiser ou bienveillante, étrangère aux hommes ou gouvernant chaque détail de la marche du monde. Dans cette religion naturelle subsiste la nostalgie des premiers temps où l’homme est sorti des « mains » de Dieu, mais son chemin l’a progressivement éloigné de lui et cette recherche spirituelle a petit à petit été livrée à elle-même, conduisant à toutes les aberrations. Cependant le cœur et la raison, alliées à une conscience droite ont toujours orienté l’humanité vers la conception d’un Dieu unique.
Répondant à cette aspiration, Dieu n’a pas rompu le contact et n’a cessé de se révéler dans le secret des cœurs et des intelligences. Mais il a voulu, d’une manière toute spéciale le faire auprès d’un peuple : le peuple juif, pour lequel il a multiplié ses attentions en vue du salut de tous.
Et cette « Révélation », nous offre bien un Dieu unique, personnel, bienveillant, qui se manifeste à un peuple au destin duquel il se lie et dont il attend une réponse d’amour, dans une exigence de justice.
C’est vers ce Dieu d’Abraham que converge le regard des fils d’Israël et des fils de l’Eglise.

Croit-on tous au même Dieu ?      

Juifs, chrétiens, musulmans croient en un seul Dieu. D’autres croyants encore, qui ne se réclament d’aucune religion acceptent volontiers l’existence d’un Dieu unique.
« Puisqu’il n’y a qu’un Dieu, entend-on souvent, nous ne pouvons croire qu’au même Dieu », et pourtant… S’il n’y a qu’un Dieu, il est effectivement le même pour tous, d’un point de vue absolu, objectif.
Mais la connaissance que nous en avons peut être différente et son image ainsi perçue peut revêtir des aspects très variés et même contradictoires. Voltaire écrivait avec sa plume sarcastique : « Dieu a fait l’homme à son image et l’homme le lui a bien rendu ! », au sens où les hommes ont aussi la capacité de se créer un Dieu comme ils l’entendent et à leur mesure.
Il ne suffit pas de dire que Dieu est Dieu et qu’il est unique pour l’avoir défini tel qu’il est.
Ainsi le Dieu des athées (car eux aussi ont un Dieu : celui auquel ils tournent le dos) est un Dieu dont je ne suis pas le fidèle, moi aussi je rejette ce Dieu-là. Car si le Dieu qu’ils se sont faits ou qu’on leur a présenté était celui de Jésus-Christ – dans son authenticité – ils ne pourraient que l’aimer et se laisser aimer par lui.
Le Dieu des musulmans, tel qu’il apparaît de façon multiple dans le Coran et à travers ce que nous offre l’Islam ne peut être identifié au Dieu de Jésus-Christ, même si un musulman peut avoir subjectivement une attitude juste vis-à-vis de son Dieu.
Seul le Dieu des Juifs qui résulte de l’authentique révélation d’abord offerte au peuple d’Israël peut être considéré comme le vrai Dieu, comme notre Dieu, à la différence près que cette image reste encore imparfaite tant qu’elle ne conduit pas à la révélation plénière donnée en Jésus-Christ. Ce qui est sûr, c’est que je ne peux rejeter aucun des éléments que le croyant juif attribue à Dieu, puisque Dieu ne peut se contredire dans la révélation qu’il fait de lui-même.
Si cela lui a coûté cher, très cher de se révéler à travers le mystère de l’Incarnation, de la mort et de la Résurrection, c’est que cela valait la peine pour nous, de le connaître ainsi.
Mieux le connaître pour mieux l’aimer, mieux l’aimer pour mieux le connaître : ce double mouvement qui a inspiré les Pères de l’Eglise doit encore nous animer pour ne pas rester à un à-peu-près, dans une paresse de l’intelligence et du cœur qui fait offense au sang qu’il a versé pour se révéler de manière authentique et nous conduire ainsi au salut, par un chemin désormais incontournable.

 « Je crois en un seul Dieu, le Père »

Avoir une attitude subjectivement juste à l’égard de Dieu ne suffit pas si elle ne me met pas en rapport avec la vérité de ce qu’il est.
Ce que je peux dire de lui est important – essentiel même – puisque sans cela je reste enfermé dans ma propre conception d’un Dieu qui n’est pas Celui qui est, qui veut entrer en rapport avec moi et, par là, me sauver.

Dieu père ?     
L’image de la paternité a souvent été attribuée à la divinité, y compris dans les mythologies de l’antiquité, pour les divinités masculines bien sûr, et les plus importantes, qui sont comme l’ébauche de la figure authentique de Dieu («Zeus-père»). (on reviendra sur l’image improbable d’un « Dieu-mère »)
Dans le monothéisme, la paternité pose un problème : Dieu étant unique de qui peut-il être le père ? Alors, pour les Juifs, il est père par l’acte créateur (nous le verrons), il est aussi le père du peuple d’Israël ; cette paternité ne s’applique pas, en effet, de façon personnelle aux individus mais à l’égard de l’ensemble des fils d’Abraham : tout au plus, Dieu est père du roi d’Israël.
A la paternité, qui est une constante dans l’image que l’homme se fait de Dieu, comme le résidu de ce qu’il a pu connaître de lui au temps de la Création, sont associées les notions d’origine et de puissance. La Révélation de l’Ancien Testament la corrige en y ajoutant encore celle de l’amour. Alors on voit apparaître Dieu comme « Père des pauvres ».

Dieu, le Père de Jésus   
Mais c’est d’une manière toute particulière que Dieu se révèle Père dans l’enseignement du Christ, qui conduit à découvrir la relation unique qui le relie à lui et éduque l’humanité à entrer dans la notion inouïe de Trinité. Rapport étroit entre le « Père » et le « Fils », qui lui permet d’employer le mot familier « Abba » (papa).

Dieu notre Père     
La Trinité ainsi révélée nous montre un amour qui peut être éternel sans être narcissique, puisqu’il est circulation d’amour entre « Personnes » divines qui ne sont qu’un seul Dieu. C’est de cet amour que naît l’être humain. Par l’humanité de Jésus-Christ, la créature est invitée à entrer dans une relation filiale, comme « fils adoptif » dans le Christ, et à bénéficier de cet amour divin.
La prière du « Notre Père » enseignée par Jésus nous permet de reconnaître en Dieu celui qui est notre origine, notre providence et dont l’amour nous conduit là où nos propres pas seraient incapables de nous mener.

Dieu est Père. Toute la Création peut le dire, reconnaissant en lui son origine, sa Providence et son guide.
Jésus-Christ peut le dire d’une façon unique, vivant de cette filiation éternelle qui lui fait partager sa nature même.
Les hommes peuvent aussi le dire d’une manière particulière quand, ayant été incorporés au Christ par le baptême, ils ont droit – dans le Christ – au même héritage : la vie éternelle qui déjà resplendit en eux.

Parlant de Dieu, nos mots et nos réalités sont impuissants à exprimer de façon adéquate ce qui, par définition, nous échappe. Nous ne pouvons parler de lui que par « analogie », c’est-à-dire qu’en évoquant les réalités de ce monde, nous sommes en mesure de dire quelque chose du monde spirituel. Quand nous parlons de paternité, nous y associons les notions d’origine, d’autorité, de puissance, d’amour, de responsabilité et tant d’autres choses ; certains aujourd’hui considèrent ces éléments comme complètement culturels : paternité/maternité, le dualisme homme/femme lui-même seraient des clivages artificiels qu’il serait urgent de gommer…

Jugement en partie vrai, dangereusement faux pour l’essentiel. Pourquoi ne pourrions-nous pas appeler Dieu « mère », faisant référence notamment à sa tendresse, qualité souvent liée à la féminité ? Le prophète Osée le suggère, saint Jean Chrysostome appelait Dieu “Père de tendresse, médecin des âmes, mère et ami affectueux…”, le pape Jean-Paul Ier s’exprimait aussi sur ce sujet le 10 septembre 1978 : « Nous sommes de la part de Dieu objet d’un amour sans faille. Nous le savons : il a toujours les yeux ouverts sur nous, même lorsqu’il nous semble qu’il fait nuit. Il est papa ; plus encore il est mère. Il ne veut pas nous faire du mal. Il veut seulement notre bien à tous. Si par hasard les enfants sont malades, ils ont un titre de plus à l’amour de la maman. Et nous aussi, s’il nous arrive d’être malades de méchanceté, d’avoir quitté la bonne route, nous avons un titre de plus pour être aimés du Seigneur. »

Quoi qu’il en soit de cette fonction paternelle ou maternelle de Dieu, elle nous constitue enfin dans une relation fraternelle entre nous. De la paternité divine découle l’impératif fondamental d’une vie authentiquement fraternelle entre les membres de l’Eglise, comme un ferment au cœur de l’humanité invitée, à travers elle, à découvrir sa communion d’origine et de destin et la puissance de l’amour.
Un formidable défi pour chacun de nous !

« Je crois en Dieu, le Père Tout-Puissant»

Non ! Notre Dieu n’est pas un Dieu faible et vaincu, il est bien le Tout-Puissant !
Des siècles de prédication pieuse ont parfois mis dans la tête des fidèles que la puissance était malsaine, alors qu’elle est tout simplement un des attributs essentiels de Dieu. Dieu ne répondrait plus à sa définition s’il n’avait sur toutes choses une puissance infinie et sans limites. Il me souvient d’un prêtre – vicaire épiscopal au demeurant ! – à qui cette réalité était à ce point insupportable, qu’il ne pouvait dire le Credo sans l’édulcorer avec une formule de son cru : « Je crois en Dieu tout-puissant d’amour » !
Non, Dieu est tout-puissant !

Et c’est à cause de cette toute-puissance, que je ne cesse d’admirer la délicatesse de celui qui a accepté d’assumer la fragilité humaine et de la connaître jusqu’à l’abaissement le plus total : l’humiliation de la croix. L’échec apparent du Christ nous révèle la puissance de Dieu qui n’a rien à voir avec celle du monde, c’est une des raisons de l’équivoque dont je viens de parler.

La toute-puissance de Dieu – à nous qui avons tant de mal à concevoir le pouvoir autrement que dans une certaine forme de violence – nous paraît encore être battue en brèche dans les limites qu’il a voulu se fixer : celles de notre liberté. Dieu peut nous contraindre, il en a la puissance mais il ne l’a pas voulu : il ne nous sauvera pas sans nous, car il a voulu faire place à la liberté de notre amour et ne veut pas faire de nous de simples marionnettes.

Cette toute-puissance, plus douloureusement encore, nous échappe devant le mystère de la souffrance innocente : Dieu ne peut-il donc rien faire ? Sa puissance n’a rien d’arbitraire et nous ne pouvons mettre l’épreuve du mal au compte des caprices d’un Dieu qui se jouerait de nous ou nous ignorerait. Il faut bien reconnaître là que nous ne mesurons l’échelle du bien et du mal qu’à la perception limitée que nous pouvons en avoir, si grande soit la souffrance : nous sommes donc invités à l’humilité. Par ailleurs l’expérience du Christ est là pour nous dire que Dieu ne se détourne pas de la souffrance et de l’injustice mais qu’il l’habite, il nous suggère que le mal a des racines et des prolongements qui vont bien au-delà de la simple conséquence mécanique, mais qu’au terme, il nous délivrera, nous qui lui avons tenu la main dans la foi, et qu’avec lui nous vaincrons.

« Je crois en un seul Dieu, Créateur »

Nous avons vu comment Dieu « tout-puissant » est le tout absolu : cela appartient à sa définition. Il est le seul dont l’existence est éternelle, il préexiste donc à tout ce qui n’est pas lui : le temps, l’univers et tout ce que nous pouvons concevoir. Il en est l’origine.
Pour penser l’univers, l’homme a pu croire que ce monde était éternel, comme Dieu en somme. Les problèmes et les questions qu’engendrent une telle hypothèse deviennent alors eux-aussi infinis …
A l’opposé d’un univers stationnaire et éternel, les cosmologistes ont développé l’idée d’un monde en extension, s’arrêtant toujours au seuil du commencement qui ne peut faire l’économie de la question spirituelle : y a-t-il une intelligence qui ait pensé le monde ou est-il le fruit d’un formidable hasard ?
L’un d’eux, le cosmologiste anglais Fred Hoyle, en 1948, va ironiser sur ceux qui pensent que la science peut approcher ce commencement, en employant le terme de « Big Bang » et en traitant même un de ses éminents collègues en 1960, de « Big Bang man » ! Il s’agissait d’un prêtre belge, l’abbé Lemaître. Au final, l’effet fut exactement inverse. Le terme et la conception d’une origine comme une explosion première eut le succès planétaire que l’on sait …
Quant à la naissance de l’humanité, la théorie de l’évolution dont Darwin fut un des premiers chantres voulait être une contradiction portée aux « créationnistes ». Or, le livre de la Genèse que certains fondamentalistes américains brandissent comme une explication du « comment » de la création de l’homme, s’accorde fort bien avec l’évolutionnisme (même si cette théorie, comme souvent en la matière, est en partie remise en question).
La Bible nous dit que Dieu est à l’origine de tout et que lui seul préexiste, que rien ne fut sans sa volonté et même sans son amour. Sans prétendre aborder le « comment » de la création de l’être humain, la Genèse nous en révèle le « pourquoi » et place l’homme et la femme au sommet de l’acte créateur, qu’il ait été l’affaire d’une fraction de seconde, d’une semaine ou le résultat d’une évolution de milliards d’années. « Mille ans pour toi sont comme un jour », dit le psaume. On entre là dans la question du temps et son rapport à Dieu, son rapport à l’homme.

« Je crois en un seul Dieu, Créateur du ciel et de la terre»

Le vertige que peut donner par exemple à un enfant la contemplation du ciel et de son infinitude (car les adultes ont autre chose à faire que de s’occuper de choses sérieuses …) est une de ces premières expériences où l’être humain prend conscience qu’il y a un seuil qu’il ne peut franchir : au-delà de ce qui est, qu’y a-t-il ? Rien ? Mais rien est déjà quelque chose… Et nous, qui sommes complètement circonscrits par l’espace, avons de la peine à concevoir une absence de limite. L’espace est une réalité plus sensible et plus facile à appréhender, mais pour le temps, la difficulté est peut-être plus grande encore : comment penser avant le temps et après le temps, ou plutôt hors du temps (puisque les notions d’avant et d’après n’y ont plus de sens) ?
C’est uniquement par le mode propre de la foi que l’être humain peut entrer en relation avec Celui qui habite l’en-deçà ou l’au-delà du temps et de l’espace.
Dire que Dieu est au commencement et au terme de tout, c’est être encore prisonniers de notre besoin de limites, voilà pourquoi le Verbe éternel de Dieu se définit dans le Livre de l’Apocalypse comme « l’Alpha et l’Oméga », par la première et la dernière lettre de l’alphabet grec. Dieu était avant ce qui est pour nous le commencement du temps et sera après la fin du temps : il « est », « Je suis celui qui est » se révèle-t-il à Moïse ; de la même façon son être et sa puissance s’exercent sur les espaces infinis qui ne connaissent aucune limite…
De là vient notre difficulté à concevoir que Dieu puisse connaître notre avenir sans en déduire que nous ne sommes pas libres de le construire. Dieu a le temps déployé devant lui comme un immense rouleau que l’homme écrit jour après jour avec sa propre liberté : je peux choisir demain d’aller à droite ou à gauche mais Dieu sait depuis toujours ce que je ferai demain. Alors suis-je conditionné ? Absolument pas ! Jusqu’au dernier moment je dispose de mon libre arbitre, Dieu ne me manipule pas comme une marionnette et j’ai tout pouvoir aujourd’hui de tout changer pour demain, mais cela, Dieu le sait encore puisqu’ hors du temps il le contemple dans un éternel présent. Par analogie avec l’espace, il est comme le pilote d’avion qui contemple en un regard la totalité d’une chaîne de montagnes dont le marcheur découvre les vallées les unes après les autres au fur et à mesure qu’il franchit cols et sommets.

Dans l’évocation de l’œuvre créatrice de Dieu, nous sommes sans cesse confrontés à la distance incommensurable qui nous sépare de lui.
La Création est souvent envisagée comme l’œuvre d’un artisan qui fabrique et abandonne ensuite à son propre sort l’objet ainsi sorti de son intelligence et de ses mains. Parler de la Création revient d’ordinaire à se poser la question des origines, or l’œuvre créatrice de Dieu s’étend bien au-delà car elle est une œuvre continue : Dieu ne s’est pas contenté de créer un jour, il crée sans cesse. L’être de Dieu soutient tout ce qui est : que Dieu cesse de le vouloir et ce qui était n’est plus.
Les trois premiers chapitres de la Genèse sont essentiels pour entrer dans la compréhension du dessein créateur de Dieu qui opère par sa Parole et par sa Sagesse, autrement dit par le Verbe éternel et par l’Esprit, « Dieu dit », « Dieu envoie son souffle », ces expressions et tant d’autres éléments encore trouvent leur explicitation avec la révélation de la Trinité opérée par le Nouveau Testament.
Et cette création est le premier acte d’une alliance avec l’homme. L’univers est ordonné et bon, propre à conduire l’être humain qui en est le sommet à une relation libre d’amour. Et cela, dans un projet, à travers un cheminement qui conduit à une perfection ultime à laquelle Dieu nous a destinés.
Il importe alors au plus haut point pour l’homme de connaître la « grammaire » de ce monde, d’en connaître les règles et la destination afin que, s’inscrivant dans cette Loi première, il y trouve la sagesse et la liberté, la joie et la confiance.
Le Péché originel est dans le refus de nos premiers pères d’accepter d’un Autre la loi du bien et du mal et la volonté de s’approprier la maîtrise de ce qu’ils avaient reçu, en mangeant « le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ».
Il n’est pas besoin de faire beaucoup d’efforts pour voir comment ce péché nous a marqués et combien les conséquences en demeurent encore aussi funestes.

« Je crois en un seul Dieu, Créateur de l’univers visible et invisible »

L’univers visible est ce monde dans lequel nous vivons, compris entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, dont l’être humain est le sommet. Nous n’en connaissons pour le moment qu’une infime partie, mais même ce que l’œil ne peut voir, ce que la science n’a pas encore exploré, tout cela appartient au « monde visible ».
L’univers invisible est la part de la Création qui échappe à toute investigation humaine. Tout au plus, l’homme peut-il percevoir les effets de ce monde spirituel, mais c’est essentiellement par révélation qu’il peut en appréhender une part infime, là aussi.
A ce monde invisible appartiennent les anges, êtres spirituels, non corporels, créatures personnelles et immortelles dotées d’intelligence et de volonté. L’Ecriture sainte est explicite à leur sujet, elle les évoque 325 fois, principalement dans le Nouveau Testament où la vie de Jésus est entourée de l’adoration et du service des anges. De même, tout être humain est accompagné de leur garde et de leur intercession. Chaque fidèle a à ses côtés un ange comme protecteur et pasteur pour le conduire à la vie, et à qui il peut s’adresser dans la prière.
L’Ecriture sainte distingue une hiérarchie angélique qui correspond aux divers services assumés par les anges.
Les anges furent naturellement créés bons. L’Ecriture évoque la chute de ceux, parmi eux, qui ont refusé Dieu et son Règne, et qui se tiennent derrière le choix désobéissant de nos premiers parents. Cette faute résumée par le cri : « Je ne servirai pas ! » est irrévocable et ne peut conduire à aucun repentir ni donc à aucun pardon.
La permission divine de l’activité de celui qu’on nomme diable ou Satan est un mystère (évoqué notamment par le Livre de Job), mais elle reste limitée : Satan n’étant qu’une créature qui ne peut empêcher l’édification du Règne de Dieu, et n’est en aucune façon une sorte de « Dieu du mal », dans une vision dualiste de la réalité.
Notons encore sur ce chapitre que les êtres humains ne peuvent nullement appartenir à ce monde angélique si différent du nôtre par nature. Les petits enfants décédés, que l’imaginaire populaire imagine comme des anges, sont des êtres humains à part entière avec leurs caractéristiques propres.

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Publié le 30 mai 2025